Toute la famille du Prado est heureuse de célébrer le bicentenaire de la naissance du P. Chevrier en cette année 2026.
La célébration des anniversaires des êtres chers est une source de joie pour tous ceux qui sont invités. Et, dans de nombreuses cultures, ceux qui assistent à la fête d’anniversaire offrent généralement un cadeau à l’élu du jour. C’est dans cette perspective que je vous invite à vivre ce temps de grâce : quel cadeau pourrions-nous offrir au Père Chevrier lors de cette célébration ? Ou, en d’autres termes, comment vivre cet anniversaire de sa naissance, de telle sorte que le P. Chevrier soit heureux de la célébration de ses enfants ?
Tout d’abord, il nous demanderait de fixer notre regard sur Jésus-Christ (Cf. Lc 4,20; Heb 12,2). Nous aurions tort de nous concentrer uniquement sur la personne d’Antoine Chevrier et sur les vicissitudes historiques qu’il a vécues. Il est pour nous le guide, le signal, qui nous conduit en permanence à l’Évangile. Il est conscient d’être un travailleur dans l’œuvre de Dieu, plein de limites, et nous demanderait de ne pas nous arrêter sur lui : « Et d’un autre côté je sens tellement mon impuissance, mon incapacité que je dis souvent à mon Dieu : Mon Dieu, est-ce que vous ne vous êtes pas trompé, en mettant à la tête d’une grande Œuvre un pauvre être aussi chétif que moi ? » (L. 295. Aussi L. 93, L. 294…). Il nous demanderait en cette année, d’aller à Jésus-Christ avec un amour renouvelé et renforcé, de ne pas détourner nos yeux de lui, pour pouvoir le connaître et le faire connaître aux pauvres : « Ne sommes-nous pas là pour cela seul : connaître Jésus-Christ et son Père et le faire connaître aux autres » (L, 181).
En cette année de grâce, nous devrions porter un regard théologal sur le temps : l’histoire, l’actualité et l’avenir. Nous devons regarder le passé avec gratitude car nous avons bénéficié de la compagnie de Dieu parmi nous d’une manière habituelle. Il ne s’agit pas de nous souvenir du temps vécu pour y découvrir nos gloires humaines, ou les succès et les échecs que nous avons accumulés pour pouvoir faire le point ; mais nous nous replongeons dans notre histoire avec le cœur, pour contempler comment l’empreinte de Dieu y a été imprimée : depuis la naissance du Prado lors de la nuit bénie de Noël 1856 à Saint André, les temps difficiles du début, le moment de l' »internationalisation », l’approfondissement du charisme reçu…, l’Esprit de Dieu a soufflé fort sur cette Œuvre qui est la sienne. Et c’est la raison de notre gratitude : « Sa bonté s’étend de génération en génération sur ceux qui le craignent » (Lc 1,50).
Un regard croyant cultivé et éprouvé nous amène à contempler avec joie le temps présent. L’exposition permanente à une culture de la sécularisation affecte également la force de notre foi. Dans la vieille Europe et dans de nombreux autres pays où l’Église et le Prado diminuent, nous pouvons être tentés de penser que le Seigneur ne marche pas à nos côtés, alors qu’en réalité il nous conduit à une purification de notre foi : « Je maintiendrai au milieu de toi un reste de gens humbles et pauvres ; ils chercheront refuge dans le nom du Seigneur » (Soph 3,12). Bien que les circonstances soient difficiles, le P. Chevrier nous apprend à faire confiance, à croire en la présence de Jésus-Christ à nos côtés : « Nous ne sommes pas des êtres abandonnés par Dieu. Nous avons un Dieu qui est véritablement un Père, qui aime ses enfants et veut les instruire et les sauver » (VD 63).
De même, nous devons envisager l’avenir avec espoir, car pour nous, il n’est ni incertain ni menaçant. À l’avenir, Dieu continuera à faire son œuvre d’une manière que nous ne pouvons même pas soupçonner maintenant. C’est surprenant l’espoir avec lequel le P. Chevrier parle de l’avenir du Prado à un moment où il fait face à une profonde crise causée, comme nous le savons, par l’abandon de ses premiers collaborateurs : « Le bon Dieu me prouvera, d’une manière évidente alors, qu’il n’a besoin de personne pour faire son œuvre (…), je pense qu’après nous le bon Dieu en enverra d’autres qui feront mieux que nous » (L 153). L’apôtre de la Guillotière ne place pas son espoir dans les moyens matériels ou humains pour mener à bien son propre projet, mais dans l’action de Dieu qui ne s’estompera pas à l’avenir. Dieu est le Seigneur de l’impossible, capable de montrer de nouveaux chemins là où ils semblent avoir disparu : « Ne vous souvenez plus des premiers événements, ne ressassez plus les faits d’autrefois. Voici que moi je vais faire du neuf qui déjà bourgeonne ; ne le reconnaîtrez-vous pas ? Oui, je vais mettre en plein désert un chemin » (Is 43,18-19).
Pour finir, en cette année bicentenaire, nous sommes invités à regarder le monde avec sympathie et sans naïveté, mais à travers les yeux du Père. Regarder le monde de cette manière nous rendra encore plus conscients de ses contradictions causées par la présence du mal, mais cela fera grandir en nous la conviction que c’est le monde que Dieu aime, c’est le monde pour lequel il a livré son Fils. Nous sommes appelés à poursuivre ce courant de l’amour de Dieu qui montre aujourd’hui sa providence à travers le monde à travers nous. Dieu veut aimer le monde présent à travers nous, à travers la famille du Prado.
En regardant le monde avec l’amour de son Créateur, nous découvrirons les frères qui sont affectés par les situations d’injustice que le péché, personnel et structurel, produit. « Des pauvres, en effet, vous en avez toujours avec vous » (Mc 14,7). Aujourd’hui, nous rencontrons de nouvelles causes de la pauvreté auxquelles nous devons être constamment attentifs : les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle, les mauvais traitements de la maison commune, les abus de toutes sortes, la migration… Les visages des pauvres aujourd’hui sont variés et parfois difficiles à découvrir. Les pauvres continuent à réclamer la Bonne Nouvelle de Jésus que nous sommes appelés à partager avec eux et nous font redécouvrir que notre mission est, comme toujours, nécessaire. Avec le P. Chevrier nous sommes convaincus que « faire des catéchistes, ce doit être aujourd’hui le besoin de l’époque et de l’Eglise » (L 153).
Lyon, le 30/10/2025
Mot d’accueil du Père Diego MARTÍN PEÑAS (Responsable Général de l’Institut des Prêtres du Prado) aux Responsables de pôles de l’organisation du Bicentenaire de la naissance du Bienheureux Antoine Chevrier.
Ce texte a également été publié dans la revue Quelqu’un parmi nous (PRADO QPN n°264 – À la suite d’Antoine Chevrier).